La dynamique du chœur
Les chœurs, enfin! On sait qu’après Nabucco, Verdi fut qualifié de « maestro del core », maître et magicien faudrait-il traduire. La maîtrise est en effet évidente. Verdi réussit à donner au chœur un rôle à part entière dans sa partition. Plus évidente encore, quoique plus mystérieuse, moins discernable en termes techniques, est chez lui la magie des chœurs. Elle tient bien sûr à la perfection des thèmes mélodiques, à l’équilibre des voix, à l’accord exact avec l’orchestre et les solistes. Mais ces explications n’épuisent pas le charme envoûtant que procure, à la énième écoute, l’illustre Va pensiero, véritable mélopée qui se suffit à elle-même, ni l’efficacité de l’introductif Gli arre difesti, qui crée d’emblée à la fois le cadre et le climat de l’œuvre.
Un nouveau rôle au cœur de l’opéra
Verdi concrétise une tendance qui avait commencé d’apparaître: la valorisation au théâtre de ce chœur, qui, vedette incontestable dans l’oratorio, ne servait la plupart du temps que d’intermède sonore vaguement décoratif pour séparer deux scènes ou tableaux dans les opéras. Manifestement, il ne s’agissait là que d’un commentaire de remplissage destiné à permettre aux vedettes de souffler un peu et au public de manger des glaces. Signalons que dans l’opéra baroque du XVIIIème siècle, il n’y a généralement pas de chœurs du tout, les solistes, rassemblés à chaque fin d’acte se bornant à unir leurs voix pour une conclusion musicale adéquate. Tout à coup surgissent des exceptions, de moins en moins rares, amorçant une tendance où le peuple s’individualise dans l’action et devient acteur du drame. Ainsi le chœur des naufragés d’Idoménée, le chœur de l’incendie de Rome dans la Clémence de Titus, figurent parmi les prémices du chœur d’action.
Verdi et l’affirmation du chœur d’action
Avec Verdi cependant, la tendance s’affirme au point de donner au chœur un rôle-vedette dans le drame. Le peuple ou la foule deviennent un personnage soliste collectif qui assure la pulsation battante de la partition. Rôle plus essentiel, dans les opéras à caractère patriotique comme Nabucco, mais qui demeurera primordial une fois cette évolution accomplie dans les opéras psychologiques de la maturité comme dans Macbeth, Don Carlos et Aïda.
