Critique Les Chœurs de Verdi

Revue de presse

Un Verdi intime et lumineux

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1 May 2019

Accompagné par le partenaire de longue date, le pianiste Fabrice Boulanger, et par ses remarquables musiciens et chanteurs, Jean-Philippe Dubor a clôt en beauté la saisissante saison des Siècles Romantiques. Une soirée dédiée aux chœurs des deux chefs-d’œuvre du répertoire verdien : Don Carlos et Aida.

Pour le quatrième rendez-vous annuel avec ses Siècles Romantiques, le chef d’orchestre Jean-Philippe Dubor a souhaité rendre hommage aux voix des chœurs Verdi de Don Carlos et Aida. Après le concert d’avril, entièrement consacré aux Ouvertures du compositeur italien, la dernière soirée de l’intense et raffinée saison musicale de l’ensemble lyonnais a été consacrée à l’un des éléments clés de la recherche de Verdi: le chœur. Le « cygne de Busseto » a su interpréter le chœur comme un élément de haut lyrisme et d’action, le transformant en un véritable personnage capable d’exprimer des sentiments d’envergure et d’agir dans le déroulement de l’action. Pour ces raisons, ainsi que pour le niveau esthétique de fascination absolue qui les distingue, les chœurs de Verdi représentent des moments cruciaux de l’histoire et pas seulement musicale. La signification politique et sociale du travail de Verdi est indissociable de sa reproduction technique et les ponctuelles introductions de Jean-Philippe Dubor en ouverture de chaque partie du concert ont permis une correcte contextualisation.

Des guerres de religion entre catholiques et protestants à la persécution des juifs en Égypte, jusqu’à la difficile situation politique, sociale et religieuse de son temps qui permettra la libération de l’Italie de l’envahisseur autrichien, le travail de Verdi se révèle capable de traverser des époques et des situations lointaines mais qui répètent les thèmes récurrents d’opposition, de haine humaine et de rédemption. C’est cette richesse productive qui ne s’arrête pas à sa propre époque mais qui possède le pouvoir d’une rare clairvoyance que Jean-Philippe Dubor a su interpréter à la perfection dans cette belle soirée à la chapelle de la Trinité de Lyon.

Le choix du chef d’orchestre s’est posé sur neuf chœurs, quatre tirés du Don Carlos et cinq de l’Aida. Le chœur d’hommes et un moine de la première scène de l’Acte I du Don Carlos ont immédiatement mis à l’honneur la voix de Paul Henry Vila, basse fascinante et convaincante et le rôle fondamental du pianiste Fabrice Boulanger dans cette réduction très intime de Verdi. Dans le chœur de l’« autodafe », le pianiste fascine par son élégance tandis que le chœur d’hommes et celui de femmes forment un corpusvigoureux et sensible, un cortège invincible. La binarité contrastante de la joie et du ton funèbre inhérente à ce moment est rendue avec une extrême précision par l’ensemble des voix, et le travail du chef d’orchestre réalise cette double lecture visant à la réalisation d’un seul et solide corps des voix.

La deuxième partie de la soirée a prolongé la réflexion sur le fanatisme religieux chez Verdi, proposant cinq chœurs de l’Aida. Fabrice Boulanger brille dans le grand final de l’Acte II avec sa traduction élégante des trompettes, probablement le moment le plus remarquable de cette soirée. Le traitement des solistes dans les finaux du premier et du dernier acte forment une constellation de voix fascinantes et qui accomplissent la solennité de l’œuvre verdienne.

Une soirée romantique et intime, traduction douce du Verdi le plus connu. Jean-Philippe Dubor possède le don de retrouver des perles rares (nous pensons ici au Requiem de Franz von Suppè) mais aussi d’interpréter et de retravailler la matière vivante des œuvres fondamentales afin de dévoiler une lumière estompée par le temps ou par la répétition. C’est là que réside, peut-être, le secret de sa direction, ce fascinant régime qui puise dans le sensible, la rigueur et le sublime.

Fabrizio Migliorat

Teatro Persinsala

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