Ouvertures et 7ème Symphonie de BEETHOVEN

Revue de presse

Un vivifiant prélude au 250ème anniversaire du Maître de Bonn

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27 novembre 2019

Les dates de Ludwig van Beethoven (1770 – 1827) présentent cette particularité que l’on célébrera en 2020 le 250ème anniversaire de sa naissance puis, sous peu, en 2027, le 200ème de sa mort. Non seulement Jean-Philippe Dubor souhaite donc ainsi préluder au premier rendez-vous mais, en outre, son choix s’inscrit dans le cadre de la célébration du trentenaire de la chute du mur de Berlin, où Beethoven fut érigé en symbole de la Liberté retrouvée.

Programme atypique, ceci posé, exclusivement constitué d’œuvres orchestrales, sans recours aux voix ou aux virtuoses concertants. Tant mieux ! Car, dans le colossal bouleversement généré par l’apport beethovénien, le centre de gravité se situe précisément dans l’orchestre, devenu, sous l’égide de son inspiration, le vecteur d’une dramaturgie sonore inédite.
À défaut de raretés (il faudra sérieusement envisager d’y remédier pour l’automne 2020) se succèdent donc ce soir deux ouvertures et une symphonie, parmi les plus grandioses créations de « ce sourd qui entendait l’Infini », comme le définissait Victor Hugo.

Le thème princeps de l’Allegro suscite une incontestable commotion

À sa physionomie synthétique, la célèbre Ouverture Coriolan, en ut mineur Opus 62 allie une intensité continue. Le chef confère au thème du héros romain toute l’autorité indispensable, sinon l’urgence (9’47’’, soit 2’ de plus que Klemperer, l’acoustique réverbérante de la Chapelle de la Trinité ne permettant pas un tempo précipité), mâtinée d’une authentique noblesse. En revanche, l’autre motif principal – évoquant les femmes de l’entourage de Coriolan, notamment sa mère – mériterait un surcroît de relief ou de tendresse enveloppante.

À cette réserve près, nous relevons une vaste palette de nuances, une stricte observation des indications dynamiques, également profitable à Leonore III, en Ut Majeur Opus 72a. La plus vaste autant que la plus accomplie des quatre ouvertures reliées à Fidelio, l’unique opéra de Beethoven, nécessite un contrôle d’exception, tant pour la phalange qui l’exécute que pour son chef. Avec un effectif philologique de cordes, conforme à celui de l’époque, l’orchestre répond avec une audace admirable aux sollicitations impérieuses du maestro. Toutefois, si l’introduction – avec un lumineux solo de flûte signé Boris Kapfer – s’inscrit dans la tradition des visions les plus classiques, le thème princeps de l’Allegro suscite une incontestable commotion. Rarement nous l’entendîmes aussi radieux, pétri de spiritualité rédemptrice… à tirer les larmes ! D’ailleurs, la montée progressive vers la lumière inhérente à ces pages se trouve restituée avec une acuité rejoignant les références discographiques.Le grand crescendo avec les entrées successives de tous les pupitres de cordes atteint bien à la dimension surhumaine exigée, précédant une coda enflammée à souhait.

Apothéose éruptive, dans un surrégime entraînant tout sur son passage, jusqu’aux frontières de l’hallucination phonique

Admirée de Berlioz, surnommée « L’Apothéose de la Danse » par Wagner, la 7ème Symphonie en La Majeur Opus 92 demeure, au regard de maints musicologues, la plus équilibrée conçue par Beethoven. Terriblement exigeante aussi, elle ne tolère aucune faiblesse de quelque pupitre que ce soit. Il existe donc toujours une part de défi voire de risque à s’attaquer à ce standard du répertoire, dont les plus grandes baguettes ont laissé d’inoubliables gravures depuis les années 1950.
Le 1er mouvement pâtit un peu de ces fatales comparaisons : face à une petite harmonie superlative, les violons manquent de soyeux, de legato, voire d’homogénéité, surtout confrontés à des cordes graves irrépréhensibles. Cependant, cette disgrâce s’estompe progressivement pour disparaître à compter de l’Allegretto. Quiconque sait la teneur émotionnelle de ce 2ème mouvement ne peut que céder à la restitution soignée dont il bénéficie sous la direction de Jean-Philippe Dubor. Outre un tempo juste, soutenu mais sans hâte, relevons un souci du détail tout à l’honneur de son interprétation particulièrement habitée.

Bien calibré, le Presto adopte, comme de juste, la franche allure d’un scherzo, n’appelant que des louanges, spécialement sur le triple plan du poli, de la scansion et des subtiles oppositions rythmiques entre les périodes qui alternent implacablement.

Pierre de touche de la partition, lieu de tous les effondrements ou débandades possibles (nous conservons les souvenirs horrifiés d’exécutions confinant au naufrage, même avec des formations à la notoriété bien établie !), le Finale Allegro con brio occasionne invariablement l’appréhension. Compte-tenu de ce postulat, sa restitution par Les Siècles Romantiques générera mieux que le pur respect. En admettant que l’acoustique nuise ici à cette profuse matière sonore, force est de reconnaître l’extraordinaire endurance dont font preuve les instrumentistes, les 4 cors en têtes (NB : le chef les conserve tous ici, doublant ainsi l’effectif requis). Galvanisés par le tempérament volcanique de Jean-Philippe Dubor, ils délivrent une apothéose éruptive, dans un surrégime entraînant tout sur son passage, jusqu’aux frontières de l’hallucination phonique, telle qu’on voudrait souvent en entendre ! Incontestablement, voici un vivifiant prélude au 250ème anniversaire du Maître de Bonn.

Patrick Favre-Tissot-Bonvoisin

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