Critique Les Ouvertures de Verdi

Revue de presse

L’ouverture, mouvement d’activation renouvelée

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1 April 2019

Une soirée longtemps étudiée et rêvée a finalement vu le jour dans la salle baroque de la chapelle de la Trinité de Lyon. Jean-Philippe Dubor a dirigé magistralement ses Siècles Romantiques dans un concert entièrement consacré aux Ouvertures de Verdi

Assister à un concert dirigé par Jean-Philippe Dubor constitue un véritable plaisir que nous dégustons chaque fois avec une passion renouvelée. Cette nouvelle saison de ses Siècles Romantiques nous a déjà réservé de belles découvertes (l’émouvant Requiem de Von Suppè) et des retours fort appréciés (les Carmina Burana) et avec cette soirée nous entrons dans la deuxième partie de la programmation, entièrement consacrée au « Cygne de Busseto ». Mais avant de retrouver en mai ses Chœurs avec les extraits de Don Carlos et Aida, nous avons plongé dans l’univers des ses Ouvertures, dont le choix s’est démontré rigoureux et particulièrement convaincant. Les deux parties de la soirée ont été précédées par une véritable leçon, tenue par le directeur artistique Dubor, sur Verdi et sur la portée politique de son œuvre. Une lectio qui a permis à l’auditeur moins préparé comme au mélomane chevronné de plonger dans l’Italie du Risorgimento, cette renaissance patriotique visant l’unification nationale et qui atteignait son but seulement en 1861. Resituer historiquement l’œuvre de Verdi permet justement de lui restituer l’esprit profond, romantique et révolutionnaire intrinsèque qui la traverse.

Si le choix s’est porté sur les ouvertures, cela n’est pas un hasard. Jean-Philippe Dubor a dévoilé sa volonté d’insister sur cette partie de l’opéra souvent moins connue que certains airs ou symphonies. L’ouverture présente l’histoire et la résume parfaitement, mais elle le fait à travers la musique, sans aucune intervention de la parole ou de l’action. La suite de l’opéra est d’ores et déjà présente dans cette introduction et nous pourrions affirmer qu’ici nous avons un degré extrêmement consistant de matière opératique, une densification des thèmes et des événements en quelques minutes, sous la forme des mouvements impétueux et brusques, des tournants imprévus et d’aperçus des airs épiques. Insister sur l’ouverture revient à appeler l’auditeur à un écoute en éternel recommencement, à l’activation de l’attention (une des raisons existentielles de l’ouverture) renouvelée. Cela signifie également dévoiler l’univers intime du compositeur, là où il se sent le plus libre et peut se livrer à une confession radicale et impérative.

L’ouverture de Nabucco ouvre les danses de la soirée, avec son élan patriotique qui s’imprimera à jamais dans l’esprit italien. L’évocation du Va’ pensiero est traité par les cordes avec un pizzicato délicieux. Attila secoue l’auditoire avec son crescendo du thème porté par les cordes, puis par les bois et enfin par les cuivres. Le ton majestueux défie le spectateur et le chef d’orchestre affirme ici sa définition du geste musical. Après l’ouverture obscure de Macbeth, il est temps de s’émouvoir avec l’inatteignable beauté de I masnadieri, avec le mini concert pour violoncelle magistralement évoqué par Nicolas Seigle, ovationné par le public et reproposé à juste titre dans les rappels. La première partie se clôt sur « la plus belle des ouvertures de Verdi », celle du premier acte de la Traviata, joyau de l’histoire de la musique. L’intelligence stratégique et minutieuse de Verdi le pousse à faire une description psychologique de Violetta tandis que dans prélude du troisième acte c’est l’évolution de la maladie qui sculpte la matière musicale.

Après l’intervalle nous reprenons avec la plus longue des ouvertures verdiennes, celle des Vêpres Siciliennes, commande de l’Opéra de Paris. Le traitement du chiaroscuro devient ici particulièrement soigné et les couleurs des envahisseurs français et celles du peuple enragé s’opposent dialectiquement avec la légèreté insouciante de la bourgeoisie sicilienne. La délicatesse du prélude de Un ballo in maschera est traitée ce soir avec une attention toute particulière et la superposition des vagues sonores créées par les cordes, les bois et les cuivres anime la composition à travers la création d’une action circulaire interrompue par les coups de feu du finale.

Le sentiment d’amour et la raison d’Etat se mêlent mortellement dans l’ouverture de l’Aida, ce soir pure délice en guise de coda du concert, avec celle de La forza del Destino, pièces maîtresse du répertoire des Siècles Romantiques.

Fabrizio Migliorati

Teatro Persinsala

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