STABAT MATER pour choeur, solistes et orchestre

Revue de presse

Victime d’un lumbago, il n’écrira que 5 des 10 sections, confiant la rédaction de la deuxième moitié du Stabat Mater à Giovani Tadolini

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26 May 2016

Chapelle de la Trinité (Lyon), le 25 mai 2016

Retraité à l’âge de 37 ans après le succès en demi teinte de Guillaume Tell en 1829, Rossini reçoit deux ans plus tard la commande d’un Stabat Mater à l’usage exclusif de la chapelle privée de son ami Don Francisco Fernandez Varela. Rossini accepte à condition que l’œuvre ne soit jamais publiée. Victime d’un lumbago, il n’écrira que 5 des 10 sections, confiant la rédaction de la deuxième moitié du Stabat Mater à Giovani Tadolini, co-directeur du théâtre Italien à Paris depuis son départ en 1829. Cette version sera représentée une seule fois à la chapelle de Don Varela, celui ci ne sachant rien de la supercherie Rossinienne.

Quelques temps plus tard, les exécuteurs testamentaires de l’évêque Espagnol vendent la partition à l’éditeur parisien Aulagnier. Rossini s’empresse alors de révéler que tout n’est pas de lui et se hâte de terminer son œuvre. La version définitive sera créée au Théâtre Italien de Paris en 1842, où il reçut un accueil triomphal. Succès répété dans les plupart des villes européennes où il sera joué, hormis outre-rhin où l’œuvre est taxée d’anti-religiosité.

Il est vrai que l’œuvre de Rossini est assez proche de l’opéra et ainsi assez déroutante si l’on recherche dans un Stabat Mater à ressentir toute la douleur de la Mère au pied de la croix.
Jean-Philippe Dubor à la tête des Siècles Romantiques nous met immédiatement sous tension grâce à une direction propre et serrée, jouant beaucoup sur les contrastes et les nuances, tout en utilisant subtilement l’acoustique de la Chapelle de la Trinité. Lors des passages orchestraux, il ressort une grande intensité solennelle et lors des passages choral une grande tension, tenant l’auditeur en haleine tant il est embarqué dans cette partition foisonnante et bouillonnante.
L’équilibre orchestre / chœur / solistes est parfait tout au long de l’œuvre, le chef étant toujours très attentif à son quatuor. Le dernier numéro (Amen !) est particulièrement troublant et nous secoue de l’intérieur avec cette double fugue débordante et effrénée portée par des chœurs irréprochables.
On attend spécialement dans ce Stabat Mater les sommets lyrico-opératiques dans les soli de Ténor, de Mezzo puis de Soprane qui réclament à la fois du charisme et de l’intention, ainsi qu’une bonne robustesse vocale pour affronter le chœur et l’orchestre. C’est tout le bonheur que nous apporte la distribution réunie autour de Dubor.

Le ténor Karl Laquit à la belle projection ravit dans le Cujus animam gementem avec une belle élasticité, des nuances fines, et son aigu final éclatant. Si la partie de basse reste (comment souvent dans les œuvres religieuses) moins exigeante, Wassil Slipak n’en est pas moins convaincant résistant avec vaillance et autorité aux cuivres dans le Pro peccatis.

Anthea Pichanick est une belle découverte. Cette mezzo possède un timbre riche et équilibré dans tous les registres offrant une belle profondeur lors du Fac ut portem Christi mortem. Voix corsée, respiration parfaite, fluidité de la ligne de chant, son duo Quis est homo avec la Soprano est d’une parfaite osmose. Enfin, Vanessa Bonazzi déploie des trésors vocaux et une belle musicalité, capable de distiller de la douceur tout comme de projeter proprement et vaillamment. Elle tient tête au chœur et à l’orchestre débordant d’énergie de manière vigoureuse dans le inflamatus et accensus grâce à des aigus sains et clairs, sachant varier les effets pour ne pas tomber dans la caricature et la démonstration vocale. Œuvre faite de tensions, de conflits et de contrastes violents, le spectateur s’interroge pour savoir si c’est un hymne à Dieu ou au Lyrisme. Nul doute que dans les deux cas il aura ce soir été servi admirablement.

Perrine Bergon

odb-opera.com

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